Histoire d’une journée confinée
Un café s’il vous plaît , je suis tout seul!!!
« 7h30… Qui a dit que le sommeil était réparateur ? J’ai encore eu une nuit difficile. Je me lève épuisé.
Comme à mon habitude, je me sers un café. J’en bois une gorgée. Mince, pas la bonne capsule ! Tant pis, je tente tout de même de l’apprécier… Machinalement, je prends les dernières nouvelles. C’est affolant…! Les journaux égrènent leurs chiffres censés rendre compte des réalités du moment. On gère, on analyse, on argumente à grand renfort de statistiques !
J’ouvre Facebook. Fake, violence, quatre « j’aime » sur une de mes photos, une invitation à aimer une page sur les Vosges. Là, un mec crie au complot. Après le badge solidaire « je suis Charlie », voilà celui de « je reste chez moi ». J’essaie toujours d’apprécier mon café…
Je prends ma tasse, une cigarette et me dirige sur mon balcon. Il fait bon, tout est silencieux. Les enfants dorment encore et Sandrine, mon épouse, est partie marcher. Elle doit surement marcher très vite, son temps est décompté.
Le soleil et la brume font une belle paire. Cette vision ce matin a quelque chose d’apocalyptique. Il est 8h30 et étonnamment toujours pas âme qui vive. À part une joggeuse dans le parc qui tourne en rond. Elle décrit un cercle d’un rayon d’une dizaine de mètres, tel un poisson rouge dans son bocal. Elle me donne le vertige.
9h mon café est froid…Je décide de m’habiller et de partir faire un tour dans cette ville fantôme.
10h, dérogation en poche je dévale les escaliers.
Je prendrais bien un café ? Putain de pandémie, tout est fermé ! Je me ravise.
C’est fascinant, irréel… Depuis le mois de mars, j’assiste à un phénomène que je n’aurai jamais imaginé auparavant. Ma ville est silencieuse. Confinement oblige, les rues sont désertées. Quelques bus jaunes circulent à vide. Ils égaient les lieux. J’y vois une lueur d’espoir. Cet aspect inédit de ces lieux me fascine, m’incite à regarder plus attentivement, à prendre le temps de comprendre ce que disent ces lieux sans habitant ou presque. Paradoxalement, cette vision aurait dû m’effrayer. Un monde sans humains est signe de fin du monde. Et pourtant j’ai l’impression de redécouvrir ma ville. Ces rues, ces écoles, la bibliothèque qui, il y a quelques mois, représentaient un calque sombre opaque où grouillait une informe masse humaine. C’est si reposant ce temporaire arrêt sur image.
11h… En rentrant, je passe devant le parc. La joggeuse est toujours là, mais cette fois assise sur le banc la tête contre ses genoux. Sans doute victime de vertiges !?
Je peux maintenant apprécier les choses simples: mon café s’il vous plaît ! »
Pascal Servius
Auteur photographe